Suite de la reprise des invitations mariaquesques et l'incontournable, l'indéfectible, l'indispensable Sonic Eric (les blogs du bonhomme ici et là) pour prendre aujourd'hui la plume à notre place. L'objet du délit ? Le fort et légitime culte The Fly, de Cronenberg, premier alors d'entre les titres du canadien à intéresser hors ghetto du "Genre". Nous étions en 1987, voilà 25 ans: plus que 13 années avant que David ne préside le Festival de Cannes et que chacun de ses films soit discuté comme un Eastwood !
So, let's go Sonic: fly me to the Mouche !
Comme l’admet Stuart Cornfeld, le producteur de La Mouche dans les suppléments de l’édition DVD, ce qu’il y a de fascinant dans le travail de Cronenberg sur ce film, c’est la façon dont progressivement, insensiblement, le protagoniste (le savant Seth Brundle) devient l’antagoniste (l’insecte destructeur), perturbant en profondeur les schémas narratifs habituels.
Dans la première adaptation de la nouvelle de George Langelaan par Kurt Neumann (1958), le savant était relégué au second plan et le spectateur devait se contenter du point de vue de sa femme, une parfaite femme d’intérieur, dépourvue d’aspérités. Et c’était très frustrant d’autant que les expériences menées par son scientifique de mari aboutissaient à un dédoublement guère convaincant (une grosse tête de mouche sur un corps d’homme et un visage d’homme greffé sur un corps d’insecte). En refusant la métamorphose (mais la censure ne l’aurait sans doute pas permise), le scénario se privait de tout potentiel anxiogène, potentiel que Cronenberg presque trente ans plus tard saurait formidablement exploiter.
Même si, à l’adolescence, le cinéaste canadien éprouvait beaucoup d’intérêt pour les invertébrés, on sent bien que ce qui le passionne ici, ce n’est pas l’insecte mais les mutations du corps de Seth, métaphore de toutes les dégénérescences (la maladie comme le vieillissement) mais aussi vecteurs de renaissance (Après sa téléportation, Seth voit sa force sexuelle décupler et la fatigue disparaître). Cronenberg traite avant tout de l’humain, de l’amour humain jusque dans ses aspects les plus angoissants (« m’aimeras-tu encore à l’état de larve ? ») et j’aime à voir dans l’acte final de Veronica comme un geste d’euthanasie pour mettre fin aux souffrances de son amant mutant.
Dans une scène qui fut coupée au montage, Seth s’acharnait à l’aide d’un tuyau en acier sur le fruit d’une expérience ratée, une créature hybride, mi-chat, mi-babouin.
Stuart Cornfeld incita Cronenberg à retirer cette scène pour ne pas que le public se détourne définitivement du personnage de Seth.
On peut regretter cette mutilation tant elle s’insérait parfaitement dans le projet de l’auteur de Faux Semblants de dessiner une figure de scientifique dans la lignée du docteur Jekyll plus que de Louis Pasteur.
Stuart Cornfeld incita Cronenberg à retirer cette scène pour ne pas que le public se détourne définitivement du personnage de Seth.
On peut regretter cette mutilation tant elle s’insérait parfaitement dans le projet de l’auteur de Faux Semblants de dessiner une figure de scientifique dans la lignée du docteur Jekyll plus que de Louis Pasteur.
En l’état, le film demeure un époustouflant chef d’œuvre, défiant le bon goût (le film reste à déconseiller aux femmes enceintes), pour mieux saisir ce qui fait notre destin commun, ce combat perdu d’avance pour rester humain jusqu’au bout.