
Le bruit court, nous dit-on, que La Rumeur ne jouit pas véritablement des audaces thématiques qu'on lui prête. Ce n'est pas loin d'être faux (le saphisme n'y est touché – in extremis- que du bout du doigt, et encore: vendu comme une pathologique déviance) sans pour autant être exact (se replacer dans l'époque est une perpective à ne pas négliger).
La vigueur qui, en revanche, ne saurait être discutée, c'est le moderne de la mise en forme, rien moins que brillante. Loin de l'académisme massif d'un Ben Hur (auquel on peut penser dés lors qu'on évoque ce besogneux artisan de Wyler), le titre fait preuve d'une multitude de témérités formelles d'une confondante efficacité (profondeur de champs, jumps cuts, décadrages, etc.) et au signifiant tantôt parmi les plus élégants (le film évite avec grâce et finesse bien des écueils mélodramatiques et pathétiques), tantôt les plus lyriques.
Malgré le théseux du sujet et sa persistance thématique chez le réalisateur (qui avait déjà adapté la pièce originelle en 36), nonobstant la malice évidente du casting (les wilderiennes Hepburn et MacLaine sortent respectivement des cartons emblématiques (et glamorous) Breakfats at Tiffany's et La Garçonnière) et le cabotinage d'enfants-acteurs mal canalisés (ouh la pénible Karen Balkin !), le titre se distingue par sa continuelle élégance, sa nette marque européenne (un découpage et une grammaire technique digne des meilleures nouvelles vagues, fussentelles françaises ou italiennes) et son inaltérable intensité.
William Wyler (1961)