Sous ses airs un peu fastoches de bon mot à bon compte (car il y a bien des précédents dans le genre !), le retitrage français de Into the Night en Série Noire pour Nuit Blanche s'avère d'un à propos dont ne peuvent habituellement que peu s'enorgueillir les distributeurs français (ici la CIC pour son avant dernière mission avant la mise de clé sous porte).
Cette curieuse histoire d'un ingénieur en aérospatiale insomniaque et au bord du nervous breakdown qui se retrouve embarqué dans une sombre affaire d'émeraudes, de tueurs iraniens, d'immobilier opaque et d'escort girl à milliardaire, passe en effet en revue nombre de motifs de la Série Noire old school (façon Chandler ou Hammett) tout en rappelant les plus récentes choses données par des Polanski (Chinatown) et quelques autres - on notera d'ailleurs qu'à six mois d'écart, l'After Hours de Scorsese, certes plus interlope et métaphysique, offrira comme un curieux écho à l'ironique cauchemar dans lequel est plongé Jeff Goldblum ! *
Sans jamais se départir d'une certaine distance (guère envahissante), d'un second degré discrètement roublard (appuyé par la private joke caméotique des 17 réalisateurs qui apparaissent dans le film, de Jack Arnold et Don Siegel à David Cronenberg et Jim Henson en passant par quelques Paul (Bartel ou Mazursky)), le titre de Landis, cancre génial (donc inégal) se reposant volontiers sur ses lauriers, offre le lifting au genre Noir que son Loup-Garou de Londres avait fait au cinéma lycanthrope, tout en avançant nimbé d'une certaine mélancolie, d'un désenchantement certain (rions ou tuons, tout pour ne pas pleurer !). Ainsi, s'il orchestre des bouffées de violences ou des minutes soudainement anxiogènes (la principale à l'heure venue) en ne manquant jamais (ou presque) de désamorcer ces situations par une petit clin d'oeil, un effet quelconque, qui allège l'affaire et rappelle qu'on nage ici en pleine fantaisie, le ton est souvent proche de celui du Privé d'Altman: cool but rough.
Au détour de fantaisies noires d'ailleurs, Landis ne ma,que pas de chercher soudain à ramener le spectateur a ses responsabilités (?): il enfonce sans plus de préambule le clou du sordide (la noyade de Christie dérange par exemple véritablement parce que le gang à ses trousses, habituellement « comique » s'avère soudain froidement et cruellement efficace, tandis que le suicide d'un des iraniens se montre d'une radicalité sanglante quasi DePalmesque !) !
Sans doute la dimension potentiellement onirique du trip noctambule qui articule la trame autorise-t-elle le réalisateur à ces ruptures de ton, ces collages peu homogènes et, de manière générale, au confus de l'argument autant qu'il permet le défilé de visages connus (Bowie, Vadim, etc.) puisque ces symptômes sont bien l'apanage des rêves impossibles à clairement raconter au réveil.
Sans doute encore le régulier masochisme (et plus encore celui réservé au personnage de tueur que Landis campe lui-même) et l'évident désenchantement qui baignent l'ensemble auront-ils valeur, sous le vernis de coolitude confraternelle et d'hommage au genre, d'exorcisme bordélique pour un réalisateur volontiers schizophrène par ailleurs dans sa gestion de carrière et traînant des casseroles assez dramatiques (Into the Night est son premier film depuis « l'affaire » Twilight Zone)...
* même impression d'ailleurs,
peut-être même plus forte encore,
à la revoyure du Dangereuse Sous Tout Rapports
de Jonathan Demme !
NB: on aura noté tout au long du film, la place centrale de l'automobile dans les différentes symboliques du film: embouteillages, prétention thérapeutique de l'acquisition (pubs TV incessantes de vendeurs d'occase, accidents, castration mécanique (fourrière)... tout au long du film, les deux protagonistes vont ainsi de bagnole en bagnole (taxi, décapotable presleyenne, limo, merco, ferrari, rolls...) dans une sorte de road movie en huis clos (l'interminable nuit a en effet tout d'une pièce fermée !).