Évoquant autant Faust que Le Portrait de Dorian Gray, le Christine de Carpenter se consacre surtout au séminal du texte de Stephen King (un roman jugé souvent mineur et pris avec une condescendance dont on pourrait débattre... ailleurs). Il se montre de la sorte fort généreux - surtout lors de l'introduction toute en évocations testostéronées (le langage explicite fut à l'époque pointé par les ligues de vertu!) - en obsessions salaces… pour s'achever dans un « coït » rien moins que destructeur (et ouvertement sodomite).
L'installant définitivement dans le cadre, les modus et les motifs du teen movie ayant désormais cours à l'époque, l'oeuvre (qui s'ouvre rien moins que comme un Porky's de plus !) confirme toutefois tôt l'impression littéraire que Christine répondait masculinement déjà à Carrie le livre (premier titre publié de King), en répondant à Carrie le film (chef d'oeuvre - tout autant de fluides et de feu - de Brian dePalma). Douloureux et conflictuels, les deux scripts travaillent en effet les mêmes frustrations, exposent les mêmes détresses, orchestrent des humiliations analogues... et courent vers une même catastrophique issue.
L'adaptation de Carpenter semble en outre s'inspirer autant des mots du bigleux de Bangor que de ceux de J.G.Ballard, lorsque celui-ci rédigea Crash (ultérieurement porté à l'écran par Cronenberg)* avec qui il partage la déviante jouissance des tôles froissées (la première reconstruction de Christine se fait d'ailleurs dans le film au son d'un standard des Viscounts habituellement proposé en « habillage » sonore des séquences de strip-tease !) mais aussi l'évidence orgasmique de la collision/pénétration.
Peu reconnu dans la geste du réalisateur (le film est une commande opportuniste de la Columbia**), Christine creuse tout de même le sillon du Mal Carpenterien et demeure pourtant d'une rare acuité et d'une parfaite contemporanéité, qui le font ne pas subir (à l'égal diabolique de sa Plymouth Fury 58 régénérante) les outrages du temps .
Ce à quoi tous les titres de Big John - qu'on chérit par ailleurs ! - ne peuvent sans doute pas prétendre.
* de manière générale (mais le teenie en moins),
Christine est d'ailleurs l'un des films de Carpenter
le plus Cronenbergien (avec The Thing ?).
** droits achetés avant même la rédaction du roman
pour un pari sans grand risque vu le bankable de King alors.
Christine (USA/1983), de John Carpenter
Sortie française: 25 janvier 1984