Une des nuances entre le giallo et le slasher (outre le fait que l'un a plus ou moins engendré l'autre, évidemment, n'est ce pas m'sieur Bava?) est que, bien souvent, dans les thrillers transalpins à haute teneur graphique et fétichiste, le tueur « a un mobile ». Ce mobile est souvent un ressort social (ou politique), à tout le moins sociologique. Ses victimes, rarement prises « au hasard » et dont l'exécution occasionne « une enquête » policière, font souvent sens.
En outre, plastiquement parlant, la caméra évitera soigneusement de le soumettre à notre regard (on devra se contenter de chaussures, de gants, de reflets fugaces (mais surtout de caméra subjective !), tandis que le slasher mettra plus volontiers en scène le croque-mitaine, parfaisant son look et son arsenal. Ce même slasher articulera un trucideur un temps vengeresque mais qui bientôt s’accommodera de buter tout ce qui bouge ou croise malheureusement son chemin. S'éloignant d'un potentiel mobile, ses meurtres confinent bientôt à l'abstraction (pour le meilleur) ou à la pure et complaisante gratuité body-counteuse (pour le pire).
Tout ce préambule pour savoir si Murderock est un giallo tardif (Fulci a déjà donné de beaux hommages au genre à l'orée des 70's) ou bien un slasher opportuniste.
L'opportunisme, il connaît, Lucio ! Demandez à George Romero ! Ici il pioche autant dans Suspiria ou Phantom of the Paradise que... dans Flashdance ! En termes de motifs, le recours au téléphone annonciateur ou la convocation de baby-sitters jouent en faveur du slasher...
Mais le score, confié à Keith Emerson (Inferno) soutient, lui, l'influence Argentesque. Et le filmage, volontiers baroque (et parfois virtuose dans ses compositions), confirme l'obédience latine de la chose, l'éloignant un peu plus du slasher (davantage frontal, plus direct,... plus « américain »).
Et puis l'enquête, et puis le tueur non-identifié (mais nombre de suspects !), et puis les femmes fortes (sexuellement assumées) mais aussi le terrain de jeu passablement urbain (point de slasher en mégalopole !), le laps de l'action étalé sur plusieurs jours (« en général » le slasher est ramassé sur une seule nuit)... rien ne colle : non, Murderockn'est pas un slasher.
Pas un mauvais film non plus, juste un exercice un peu anachronique et pas assez jusqu'au-boutiste (un comble chez le franc-tireur Fulci) ?
Murderock (Italie/1984), de Lucio Fulci