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Channel: ABORDAGES, le cinéma scandaleusement pris par la quille
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Le Petit Fugitif

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On vous a menti.
À vous à qui on a laissé croire que le cinéma indépendant américain était né avec le Shadows de Cassavetes (1961), on a baratiné.
Votre crédule docilité s'est vue abusée. On vous a mené en bateau, pas moins.
À vous encore qui aviez sagement appris, au diapason d'ouvrages de références, d'allocutions toutes doctes et officielles, que c'était sous l'égide technique quasi-exclusive d'un Rossellini et à la belle aune de celle, philosophique autant que plastique, du Bergman de Monika (Monika dont Antoine Doinel chipe une photo d'exploitation à la devanture d'un cinoche !) qu'avait éclos la Nouvelle Vague française, on a bobardé. Omis de vous dire, négligé de préciser.
De préciser oui l'importance de Morris Engel et de son Petit Fugitif (même de Baecque dans sa récente Nouvelle Vague, Portrait d'une Jeunesse (Flammarion, avril 2009) n'en dit que couic. Idem de Lourcelles, de Beylie, de Coursodon et Tatave (Tulard quant à lui répertorie certes Morris Engel mais ne souligne que peu la transatlantique influence) !
Et pourtant.
Pourtant bigre: les partis pris (de production, de tournage, de liberté, de philosophie) de ce film ont tôt excité les soifs des jeunes turcs des Cahiers du Cinéma (ils le confesseront de Godard à Truffaut), leur ont montré la voie, ouvert la fenêtre sur une autre tendance possible du cinéma français (la coïncidence veut d'ailleurs que ce soit dans le numéro de la jaune et cinéphile revue qui fit sa une du Petit Fugitif que Truffaut livrera son pamphlet fondateur contre la Qualité Française ! (#31, janvier 1954)).
Pourtant fichtre: le film d'Engel se partage avec Les Vitelloni de Fellini, le Moulin Rouge de Huston et Les Contes de la Lune Vague Après la Pluie de Mizogushi un Lion d'Argent à la 15ème Mostra vénitienne... mais rien n'y fait, le temps a fait son implacable oeuvre et, jusqu'à ce que Carlotta Films ne s'entiche de réparer l'affront, Le Petit Fugitif, authentique film charnière entre classicisme(s) et modernité, est demeuré un secret gardé bien trop loin de nos yeux à tous.

Ainsi, le film de Morris Engel et Ruth Orkin, photographes new-yorkais au talent indéniable (sociétaires de la Photo League) et parmi les premiers noms du photo-journalisme (Engel shootera le débarquement en Normandie, aux côtés de... Russ Meyer !), avance comme un authentique jalon en ce qu'il rompt avec bien des us cinématographiques établis aux Etats-Unis (et ailleurs). 
Très influencé par le néo-réalisme italien, le duo de réalisateurs (auquel s'ajoute le scénariste-producteur Ray Ashley) qui s'acoquine pour ce faire avec le fort fréquentable producteur indépendant Joseph Bumsiyn (distributeur sur le territoire américain des meilleures bandes de De Sica, Rossellini et consorts), met en branle un projet quasi-documentaire, au tournage particulièrement allégé (seuls trois techniciens suffisent), et pour les besoins duquel il fait à la fois concevoir à Charles Woodruff une caméra 35mm ultra-légère et muette (que Raoul Coutard, opérateur de Godard voudra, sans succès, louer à Engel !) et met sur pied un financement collectif (modeste: 30.000$) par souscription. 

L'argument dramatique du film est minimal (il sera pourtant nominé aux Oscars pour son scénario original (?!) mais ce sont les Vacances Romaines de Dalton Trumbo Wyler, Hepburn et Peck qui l'emporteront), mais c'est la manière de le mettre en forme, l'énergie nouvelle déployée pour l'incarner, la démarche de tournage et de direction d'acteurs résolument modernes, voire révolutionnaires, qui transcendent l'argument. Une liberté totale préside ainsi à la mise en boîte, sans que l'improvisation stérile et gratuite ne gouverne non plus bêtement. De la rigueur dans l'indolence ! De la conscience dans l'errance ! 
 En est-il autrement pour les avenues s'ouvrant aux pas de Michel Poiccard ? 

Malgré son contexte on ne peut plus urbain et moderne, Le Petit Fugitif avance comme un conte initiatique à la morale presque morose (malgré le délice du visionnage, renversant de trouvailles, touchant d'humanité et fourmillant de plans à la plastique remarquable): un gamin esseulé, orphelin (rongé de culpabilité) pour un jour et fuyant un crime qu'il n'a pas commis, erre dans une fête foraine où, après s'être vautré dans les plaisirs immédiats (le garnement dépense promptement son argent en manèges et junk food – qu'est-ce qu'il peut manger d'ailleurs (hot dogs, pastèque, barbe à papa, épi de maïs,...) !), façon Pinocchio au Pays des Jouets, et acquiert vite une « hygiène » de survie, une méthode pour subvenir à ses envies (besoins ?). 
Il apprend, par la même et loin de la magie des fables ouvertement métaphoriques (car on est bien là en plein réalisme (néo- ou pas), mes enfants !), rien moins que la cadence et la philosophie sociale d'une vie d'adulte (qui vaut ce qu'elle vaut). En quelques heures, et après rapide observation et mimétisme, le petit Joey se familiarise avec le principe fondateur de la spirale de consommation, se plie au système: patience, apprentissage, travail, répétition (une répétition audacieuse d'ailleurs, en parfaite rupture avec les canons dramatiques d'Hollywood !), rétribution,... dépense (inconsidérée ?). 
Finie la pensée magique de l'enfance: passé brutalement l'âge d'or (Richie croit avoir tué son frère), on ne monte sur le poney (le garçonnet, petit cow-boy de Brooklyn, est amateur de chevaux) que s'il on a gagné la maille nécessaire ! Quand bien même faudra-t-il suer jusqu'à la dernière goutte à ramasser toutes le bouteilles consignées de la plage de Coney Island ! 
On pourra d'ailleurs porter sur ce parcours un oeil amusé par le pittoresque et l'émerveillement benoît en regard des ressources de l'enfance. 
On pourra y voir aussi la tristesse programmée de la condition humaine, fut-elle au paradis (la fête foraine étant le paradis de Joey). 

Tout en rompant avec les formes classiques du cinéma américain, Le Petit Fugitif n'oublie cependant pas dans sa dramatugie (pas plus que Truffaut n'oublie le patrimoine français (balzacien) dans Les 400 Coups), de s'ancrer dans une Amérique certaine. Symboles épars de sa culture (bouteilles coca-cola, base-ball), évocations de ses grands mythes (cow-boys, fuite du bad guy) et illustrations de ses valeurs (self made-manerie, opportunité de la deuxième chance), le film s'inscrit aussi dans une forme américaine connue: le film d'enfant, que Le Kid de Chaplin par exemple a hissé haut, et donne en outre à voir le tourbillon de la ville américaine, tourbillon à peine apaisé dans sa culture du loisir (le parc d'attractions et la plage sont même plus denses que les rues de Brooklyn !).
Il en offre toutefois un mélancolique envers (les bouteilles finissent toujours par être vides !), montrant les rouages de l'après et de l'avant, fait de soirs et de matins, toujours admirablement filmés. 
Et dans l'aube glaciale et déserte (Coney Island au matin), dans le crépuscule que les familles fuient pour regagner leurs chaudes pénates, on s'émeut et s'enthousiasme au spectacle de ce fuyard, de ce garnement errant, une caméra à la juste hauteur (Engell sait bigrement poser son oeil comme il faut !), celle de son sujet et celle aussi (surtout ?) de son époque... ...le Truffaut des 400 Coups et le Godard d'A Bout de Souffle, leçon retenue !, surent en tirer un même et tonitruant parti eux aussi, nan ?

Jocelyn Manchec
(chronique préalablement publiée sur KINOK)


Little Fugitive, 1953/USA -

Interprètes: Richie Andrusco,...
Scénario : Ray Ashley, Morris Engel, Ruth Orkin - Photographie : Morris Engel - Musique : Eddy Lawrence Manson - Production : Ray Ashley et Morris Engel - Réalisation : Ray Ashley et Morris Engel.




Film Disponible chez CARLOTTA en édition Collector


NOUVEAU MASTER RESTAURÉ
Version Originale / Version Française
 Sous-Titres Français
Format 1.33 respecté – 4/3 – N&B

 SUPPLÉMENTS:
Introduction : Le chaînon manquant (11 mn) Alain Bergala, réalisateur et enseignant à La fémis, explique pourquoi Le Petit Fugitif est un nœud de modernité, véritable lien direct entre le néo-réalisme et la Nouvelle Vague.

Morris Engel, l’indépendant (29 mn) Mary Engel, fille de Morris Engel et Ruth Orkin, rend hommage à son père et son œuvre grâce à de nombreux témoignages d’époque et contemporains, illustrés d’archives.
Bande-annonce d’époque - Bande-annonce 2009
+ LE PETIT FUGITIF – Le carnet du film en images,
LIVRET (36 PAGES) EXCLUSIF

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