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Channel: ABORDAGES, le cinéma scandaleusement pris par la quille
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La dernière maison sur la plage

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L'amateur, bien sûr, appréciera l'énième gourmandise opportuniste du distributeur qui, de cette Septième Femme fait Une Dernière Maison sur la Plage on ne peut plus Cravenienne (la malsaino-bergmanienne Dernière Maison sur la Gauche (ne devait pas être en reste puisque une Maison au Fond du Parc* devrait encore sucer en 80 sa violente roue...).

Sans doute appréciera-t-il - et d'un même élan ! - ce torve amateur, ce dispositif bigger than life, délibérément pornoïde, d'une maison isolée où de jeunes nymphettes répètent Shakespeare et dans laquelle débaroulent trois gangsters en cavale venant de juste de commettre, tout en pied, un sanglant hold-up dans une proche banque. Soit le dispositif canonique - peu ou prou - du rape and revenge, sous-genre plus ou moins d'un sous-genre lui-même (le survival, avec lequel on rompt en abandonnant la vaste nature au profit du huis-clos).

Notre amateur encore identifiera un casting à ses bisseux yeux familier (Bolkan, Lovelock ainsi qu'une poignée de nymphettes ayant déjà hurler (et laisser leur téton pointer) ailleurs), tandis que le plus sagace d'entre eux enfin pointera même une conversation quasi-private joke entre ce film-ci et Voyeur Pervers, un ancien hit de VHS**.

Mais comme avec tout film de genre, le risque est bien sûr que le non-amateur n'y trouve guère son compte et que, pire, la séance l'agace, l'irrite, le choque, le fasse gerber.

Car bien sûr, cette Dernière Maison sur la Plage n'y va pas avec le dos de la cuillère et ne recule devant aucun excès.
Ambiguïté, malsain, gratuité, enclin blasphématoire, recherche pugnace du choc, érotisme déviant, sado-masochisme tordu, syndrome de Stockholm embarrassant, tout y passe pour mettre à mal la morale et le confort du spectateur (y compris le plus lettré: l'un des malfrats lit Sanctuaire de Faulkner !).
Et en bon technicien, Prosperi sait user des ficelles et des manières ad hoc, sinon même (parfois) assez talentueuses (le hold-up inaugural filmé à hauteur de bottes, quelques ralentis ou cadrages bien malaisant).
En bon italien aussi. Car tout en jouant la franche carte de l'exploitation pompant Wes Craven et le rape-and-revenge US (à la brutalité froide et bestiale), le réalisateur apporte une touche baroque toute latine, faite d'outrances et de sophistications sadiques qui surajoutent au malaise déjà palpable: maquillage, théâtralisation, ralentis, close-up grotesques... la dell'arte n'est jamais loin et enfonce un clou dérangeant autant qu'il offre perversement une fausse distance à peine plus confortable que le réalisme plus cru du genre, traité par les américains.
L'équilibre trouvé est alors d'une rare subtilité: offrir une ironie, un recul sur le genre, tout en ne permettant jamais au spectateur de s'en tenir non plus vraiment éloigné.

Un tour de force que les artisans du second degré atteignent rarement, à se croire souvent plus malins que leur film...


** L'occhio dietro la parete, avec John Philip Law et Fernando Rey


La Settima Donna (Italie/1978), de Franco Prosperi.
Inédit en salles françaises


Film disponible en DVD chez 
ARTUS 
accompagné d'un module sur le film (et le genre)
de David Didelot.
D'une rare acuité, d'une richesse inédite et rarement croisée,
pleine de points de vue inhabituels en terre ingrate de bonus "de genre",
ce "doc" renvoie ainsi tous ses petits collègues "maison" (et d'ailleurs)
à la vacuité de leurs sempiternels (et artificiels) balbutiements.


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