
Je ne crois pas me tromper de beaucoup (pas suffisamment pour entreprendre un débat d'historien pointilleux en tous cas !) en avançant qu'au mitan des 80's, l'affiche d'Eastwood qui m'était la plus familière, celle qui semblait le plus occuper mon environnement visuel d'alors et l'impacter durablement, est celle de La Corde Raide (Sudden Impact n'étant pas loin derrière).
L'affiche seule et guère le contenu puisque je crus longtemps que le film de Richard Tuggle était un épisode de plus dans la saga Callahan initiée par le Dirty Harry de Don Siegel. Alors qu'il n'en est, bien entendu, rien. Non, rien de rien. Mieux: le titre serait plutôt à rapprocher des Proies (du même Siegel) et d'Un Frisson dans la Nuit (prime réal du Clintos), deux autres films où le gaillard se frotte aux femmes de manière diablement fragilisante, à son endroit.
Ici, au coeur d'un thriller urbain aussi poisseux qu'un Ferrara ou un Friedkin de par dessus les caniveaux interlopes, l'icône minérale du flic flingueur à massif bodycount (La Sanction comptabilisait 38 morts à l'actif de Clint, ici il n'y en aura qu'un *) et à punchlines définitives (la seule qu'on entendra ne vient d'ailleurs pas de sa bouche mais de celle de son boss) voit sa stèle diablement entamée, au trouble burin: chef de famille monoparentale pas si pépère (le pervers sommeille franchement et affleure rapidement, par un effet de miroir entre la proie et son chasseur), certitudes facilement bousculées (contrairement à l'Harry de L'Inspecteur ne Renonce Jamais, guère atteint par sa partenaire en jupons) et doutes en découlant... le menu est long comme un day pas made.
S'ouvrant en outre sur un prologue particulièrement giallesque (on se croirait en plein Argento, tout en fétichisme vestimentaire (les baskets remplaçant ici les gants) et en contre-plongées pleines de symbolisme outré et de baroque !) avant de camper son intrigue dans un climat proche de New York 2 Heures du Matin, le titre, eastwoodien en diable toutefois malgré ses approches inédites (on se surprend de ne pas le voir signer la peloche tant on le sent derrière la caméra !), offre un beau morceau, au choix authentique malgré les primes apparences (pris par le petit bout de la lorgnette, tout ceci pourrait apparaître volontiers putassier), à une filmographie exigeante et réfléchie, jouant (une fois de plus ?) avec les codes et, bien sûr, le politiquement correct.
Richard Tuggle (1984)
* mais de quelle manière !
Aussi spectaculaire que définitivement symbolique...
----------
Tightrope, 1984 - Richard Tuggle, canonné par Manchec.