Co-écrit avec Richard Pryor (dont la Warner ne veut cependant pas à l'image, incontrôlable étant le garçon), cette première parodie Brooksienne voit le gang de juifs new-yorkais se pencher sur le vénérable mythe de l'ouest américain (suivront le slapstick, le film de monstre, le thriller hitchcockien, le space opera et quelques autres encore) et le mettre à mal à force de racisme et d'homophobie frontalement et pugnacement dénoncés.
Ayant un recours ahurissant à toutes les audaces (il faut voir comme la version télévisuelle est édulcorée pour mesurer le courage de Brooks), y compris celles façonnées au mauvais goût le plus parfait (le feu de camp et son concerto de pets, mais aussi toutes les séquences à ressorts salaces), le titre de Mel-le-cinéphile se range aisément parmi ses hauts (et primes) faits, aux avantageux côtés des Producteurs et de Frankenstein Junior.
La provocation y est constante et les marottes du réalisateur sont déjà toutes en place: humour métafilmique (les acteurs qui sortent du plateau de tournage et vont voir la fin du film en salle)*, graveleux priapique (Madeline Kahn en Dietrich nymphomane reprendra d'ailleurs une part de sa performance (nominée aux oscars) dans Frankenstein Jr)** et antigermanisme roborativement primaire (les indiens qui parle le boche ou les nazis qui se joignent aux outlaws sont ainsi à se taper sur les cuisses),... émaillent une film au rythme étrange (d'abord rigoureux, le script s'égare de plus en plus, au risque de voir quelques personnages sous-employés***) mais définitivement intemporel et vraisemblablement unique: pas un spoof movie depuis lors n'a autant pu choquer et être aussi vigoureusement hargneux que ce Blazing Saddles-là.
Tous ont aimé et aiment encore aujourd'hui ce Mel Brooks-ci. Sauf Hedy Lamarr et les morons, bien sûr...
* on retrouvera des gags analogues dans High Anxiety ou Spaceballs.
** le gouverneur vaut bien ici le Louis XVI de La Folle Histoire du Monde.
*** le Wacco Kid, savoureusement campé par un Gene Wilder des grands jours !
Blazing Saddles (USA/1974), de Mel Brooks
Sortie française: 8 janvier 1975