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Channel: ABORDAGES, le cinéma scandaleusement pris par la quille
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Le Portrait de Dorian Gray

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Diable qu'il ne l'a pas volé son Oscar, Harry Stradling, pour la photo de Dorian Gray !

Voyez ce travail sur la profondeur de champ (telle la séquence où Sybil lit la lettre de rupture tandis que les xylophonistes du cabaret s'excitent au fond, sur scène), éprouvez un peu ces jeux de lumières flirtant avec l'expressionnisme le plus grisant (le meurtre du peintre Basil mais aussi toutes les séquences clair-obscurées des « bas-fonds »), essayez de ne pas piquer une montée de tension lors de l'emploi spectaculaire (parcimonieux inserts mais foutument saisissants) de la couleur (Lewin avait déjà expérimenté le principe dans Private Affairs of Bel Ami), de ne pas être pris d'étourdissement à l'occasion des mouvements d'appareils (que permettent avec une bigre efficacité le grand escalier de la demeure Gray, lui faisant entrer dans le grand panthéon des volées de marches ciné-historiques (parmi lesquelles La Maison du Diable, Vertigo ou Le Cuirassé Potemkine*)), de ne pas tout bonnement succomber au travail général de ce chef opérateur de génie !

Et si la chose n'était que plastique ! Mais tant le texte de Wilde que l'adaptation virtuose, personnelle et fidèle à la fois (y sont amplifiées avec force sensualité les quastionnement mystiques, philosophiques, artistiques), les interprétations (Sanders au mieux de sa forme, Reed impec (bien qu'elle eut souhaité camper Sybil Vane plutôt que Gladys Hallward) et Angela Lansbury aussi incontournable que dans le Gaslight de Cukor**), les tonalités (richesse inouïe des décors (au-delà de ce captivant chat égyptien !) et variations d'ambiances: d'abord comédie de mœurs cynique sous la délicieuse inflexion de Lord Henry Wotton (un rôle auquel rêvera, en vain, Basil Rathbone), le film, un temps noir, tourne à parabole gothique façon Stevenson sans jamais se départir d'un bouleversant romantisme à la Goethe (natürlich !)), le tempo et la remarquable réalisation font de la chose un authentique chef-d'œuvre, de la trempe de ces diamants noirs (expression par trop galvaudée mais qui regagne sa légitimité présentement), façon Browning, Murnau, Tourneur ou Laughton.
Six ans plus tard, et en couleurs, le réalisateur donnerait une autre masterpiece avec le renversant et MasonoGardnerien Pandora... rare mais vrai cador, le Bébert !


* ici une piqûre de rappel concernant cet Esprit d'Escalier
(quelles sont d'ailleurs VOS séquences d'escalier fétiches ?)

** On sera moins emballé par la prestation de Hurd Hartfield,
regrettant sans doute de ne pas avoir vu DG campé par Marlène Dietrich (!),
comme il fut un temps question en audacieuse pré-production !





The Picture of Dorian Gray (USA/1945), d'Albert Lewin
Sortie française: 17 septembre 1947

 

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